miércoles, 9 de enero de 2019

La Maison des Babayagas, l’« anti-maison de retraite » à Montreuil



La Maison des BABAYAGAS

a ouvert ses portes à Montreuil en 2012. «Terre utopique » née du désir d’une vingtaine de femmes de construire un environnement fondé sur les valeurs  de l’association qui la porte : autogestion, citoyenneté, écologie, féminisme, laïcité, solidarité.

Les résidentes de cet habitat participatif, réservé aux femmes de plus de 60 ans, fondé par Thérèse Clerc décédée le 16 février, veulent vieillir indépendantes et autonomes.

Dans les contes russes, les Babayagas sont des personnages mi-sorcières, mi-ogresses. A Montreuil, c’est le surnom qu’ont adopté 21 dames qui habitent une résidence autogérée, participative et engagée, réservée aux femmes de plus de 60 ans : la Maison des Babayagas. Les occupantes de cet immeuble HLM du centre-ville imaginent au quotidien des projets pour vieillir comme elles ont vécu, indépendantes et autonomes. Mardi 16 février, elles ont perdu leur charismatique fondatrice, Thérèse Clerc, figure du féminisme décédée à l’âge de 88 ans.
Dans sa ville de Seine-Saint-Denis, cette militante pour le droit à l’avortement avait d’abord fondé, en 1997, la Maison des femmes, un espace d’accueil pour les femmes victimes de violence. Depuis le 16 février, un livre d’or y est installé et recueille les messages de condoléances et de respect. « Thérèse » avait ensuite imaginé un lieu qui permettrait aux femmes d’être actrices de leur vieillesse, maîtresse de leurs vieux os. Après plusieurs années de batailles administratives, la Maison des Babayagas a vu le jour en 2013.
Comme Thérèse Clerc, les féministes qui habitent ces appartements individuels sont bien décidées à ne pas se laisser dicter leur vie. « C’est très important quand on commence à vieillir de ne pas vivre isolées, explique Iro Bardis, résidente de 72 ans. Mais ici, on a aussi l’objectif d’être citoyennes, d’être dans la vie, d’être dans la ville, d’être solidaires. »
Cette architecte d’intérieur, qui a arrêté son activité quelques années auparavant, est la dernière arrivée au sein de la communauté. Avant de poser ses valises dans la maison, en août 2015, elle a commencé par participer aux tables ouvertes, les repas partagés organisés les deuxièmes vendredis de chaque mois dans la Maison.
Elle y a trouvé une continuité avec son engagement féministe passé. Dans la foulée, Iro Bardis a rejoint l’Unisavie, l’Université populaire pour bien vieillir, un autre héritage de Thérèse Clerc qui gravite autour des Babayagas et développe une réflexion sur la vie citoyenne du troisième âge – pour l’occasion, les hommes sont les bienvenus.




« Tout est en chantier, comme la vie »

Quelques jours après le décès, Iro Bardis a retrouvé un certain nombre de ces nouvelles voisines pour discuter de l’avenir de leur jardin, ce bout de terrain qui n’a jamais été vraiment investi jusque-là. Car aux embûches administratives qui ont retardé l’ouverture de la résidence, ont succédé des difficultés internes. Pas toujours facile d’instaurer la démocratie participative ou de faire aboutir les projets : « L’esprit que Thérèse avait imaginé et auquel j’adhère, c’est très bien, mais ce n’est pas évident de le mettre en œuvre, reconnaît Iro Bardis. D’autant plus qu’à cet âge-là, on a tous beaucoup de vécu. » Les « dissensions » ne suffisent pas à la décourager : « Tout est en chantier ici, en évolution, comme la vie, admire-t-elle. »
Sa voisine Dominique Doré, 65 ans, est plus ancienne dans la résidence et elle se montre moins clémente. Elle a participé à la rédaction de la charte que les habitantes doivent signer auprès du bailleur HLM pour intégrer les lieux. Le texte pose les bases idéologiques de cette « anti-maison de retraite », fondées sur des valeurs écologistes, féministes, citoyennes et solidaires.
« On n’a rien eu de la charte », juge cette locataire engagée dans de nombreuses associations et déçue « au niveau démocratique comme au niveau écolo ». Elle déplore contre les problèmes d’ego et d’organisation et regrette que les deux espaces du rez-de-chaussée, censés devenir des pièces communes, soient restés des salles communales pour des questions financières.

Rentrées avec le dernier métro

Pourtant les projets communs et les gestes de solidarité existent dans la résidence. Les Babayagas se retrouvent autour d’ateliers dessin où elles s’adonnent au nu, peu soucieuses de choquer – si tant est que ce ne soit pas en partie l’effet recherché, l’espièglerie et le goût pour la provocation ayant toute leur place dans la Maison. Les Babayagas se dépannent également pour les courses et organisent parfois des sorties ou partent en vacances ensemble.
« Une année, j’avais proposé d’aller ensemble à la Nuit blanche à Paris, raconte, par exemple, Dominique Doré qui n’a pas renoncé à faire bouger les choses. On y a passé la soirée, à trois, alors que toutes seules, on n’y serait pas allées. » Elles sont restées jusqu’au dernier métro, et qu’on ne leur dise pas que ce n’est plus de leur âge.
Savoir que leur mère continue à avoir des activités peu communes s’avère plutôt rassurant pour les enfants d’Iro Bardis. Mais ça ne les surprend pour autant, assure-t-elle. A l’en croire, tout ça tombe presque sous le sens : « Ce qu’on fait dans cette maison, c’est bien vieillir, de la même façon qu’on a bien vécu. En fait, ça me semble normal. »





Dans cet immeuble de Montreuil (Seine-Saint-Denis), 21 femmes de 60 à 80 ans se sont lancé un défi : vieillir ensemble. Elles louent chacune un petit logement dans cette résidence sociale, mais pas question de la comparer à une maison de retraite. C'est avant tout une utopie communautaire pour des féministes qui se sont donné comme nom : les Babayagas.

La liberté de bien vieillir

À l'occasion de leur repas mensuel, elles accueillent une nouvelle locataire qui recherchait un logement depuis quatorze ans, elle qui refuse d'aller en maison de retraite. Il y a un an et demi, deux femmes ont emménagé au dernier étage de l'immeuble. Elles ont attendu plus d'un an avant de partir à la retraite. Pour leur appartement de 33 m², les retraités payent 370 € par mois. Toutes revendiquent haut et fort leur liberté au sein de cette maison, qui clame le "bien vieillir".

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