Source de l'image: Photo Corentin Fohlen. Divergence http://www.liberation.fr/planete/2016/08/15/tourisme-humanitaire-la-vraie-fausse-pitie_1472579
A Port-au-Prince, en Haïti, en janvier 2013. Cette Américaine a payé pour une semaine de «bénévolat» organisé par l’association chrétienne Healing Haiti. Au programme, distribution d'eau, journée avec les orphelins et, surtout, photos souvenir.
Sur les murs, Lucie Cuny n'a pas accroché de photos de vacances, mais les souvenirs de ses missions humanitaires : une en Thaïlande et l'autre en Indonésie. Deux mois passés à assister un professeur d'anglais dans un collège. Pour cette étudiante, le volontariat est synonyme de richesse. Pendant sa mission, elle est hébergée dans une famille. Ses seuls frais : 150 euros par mois pour sa chambre et ses repas. Cette envie d'aider est aujourd'hui de plus en plus partagée. Récemment, des agences de voyages spécialisées dans le tourisme humanitaire sont apparues.
Des pratiques commerciales nuisibles
On appelle cela le "volontourisme". Des annonces où tout semple possible : s'occuper des orphelins en Afrique du Sud, aider les réfugiés qui arrivent sur les plages italiennes et même assister un médecin en Afrique. Des voyages payants qui peuvent coûter cher. Cela reste-t-il encore de l'humanitaire ? C'est la question que s'est posée Sophie Installe, ancienne "volontouriste" qui devait en principe enseigner l'anglais pendant un mois dans une école maternelle de Chine. Elle a payé 2 000 euros billet compris mais sur place tout semblait improvisé. On peut se demander quelles sommes seront réellement reversées aux associations locales. Pour dénoncer ces pseudo missions humanitaires, une ONG a décidé de les tourner en dérision. Selon certaines associations, ce sont des pratiques commerciales nuisibles aux réelles missions humanitaires. Source: Francreinfo tv Mis à jour le , publié le
Profiter de ses vacances pour aider les populations locales, l’idée est plutôt louable. Mais l’amateurisme et le cynisme de ce secteur en vogue inquiètent les ONG sérieuses.
«L’envie d’engagement ne fléchit pas, observe Rony Brauman, ancien président de Médecins sans frontières. Faire de l’humanitaire, c’est faire quelque chose de bien pour l’autre, c’est une attitude sociale légitime qui coexiste en parallèle d’un processus continu de professionnalisation.»Le célèbre médecin est plus critique quant à l’idée de coupler voyage et humanitaire. «Pourquoi vouloir fixer au voyage un autre but que la découverte de personnes, de paysages, de saveurs ? Faire du tourisme en se sentant investi d’une mission, pour être gentil, pour jouer au père Noël avec des livres, des stylos et des médicaments disqualifie le voyage en lui-même. La dissymétrie du rapport rend d’emblée la rencontre impossible. Ce n’est pas de l’ouverture, mais de la condescendance.»
L’intention est louable. La critique s’avère, dès lors, délicate. «Il ne faut pas casser l’élan, le désir de s’engager», prévient Brauman. Les ONG ont lancé des campagnes de dissuasion du volontouriste, à l’instar de Solidarités International. «Tout le monde ne peut pas aider sur le terrain», disent les spots. Une série de faux entretiens d’embauche croustillants, avec notamment une hippie qui a «fait grave du baby-sitting», sait ce que c’est que de vivre sans douche à force de faire des festivals, «kiffe l’Afrique» et se dit prête à partir secourir «les enfants qui meurent de faim et ont besoin d’amour». Comme si les bons sentiments à l’égard d’une misère aussi lointaine qu’abstraite dispensaient de toute réflexion intellectuelle.«Quand on est sérieux, il faut regarder quel est notre impact réel, prendre du recul, explique Sébastien Marot, directeur de Friends International, qu’il a cofondé au Cambodge en 1994. Toutes les conneries, je les ai faites. Dans la rue, je donnais à manger aux enfants cambodgiens, comme tous les touristes. Du coup, les gamins stagnaient en attendant le room service… Huit repas par jour», se souvient cet ancien directeur marketing chez L’Oréal. Vingt-deux ans qu’il voit défiler dans les orphelinats les touristes humanitaires et autres volontaires en tout genre. «L’enfant est devenu une attraction touristique. Imaginez un turn-over permanent de Japonais, un flux d’adultes inconnus qui viendraient dans nos écoles pour apprendre des chants aux petits Français, enseigner leur langue, leur offrir du riz et les photographier avant de repartir.»
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